MONOLITHES : L’ARCHITECTURE EN SUSPENS
Marie-Ange Brayer, Aurélien Vernant

MonolithesLe monolithe, « qui est fait d’une seule pierre », traverse l’histoire de l’art comme celle de l’architecture : point de communion de l’homme face au divin chez les Romantiques, « inquiétante étrangeté » de la nature chez les Symbolistes (L’île des morts, Arnold Böcklin, 1880), énigme insoluble pour les Surréalistes, le monolithe est toujours marqué du sceau d’une double nature, à la fois tellurique et mentale.Au-delà d’une figuration panthéiste, le XIXe siècle célèbrera le mégalithe comme signe ultime d’une présence poétique, bien antérieure aux civilisations antiques. De Victor Hugo puisant le souffle inspiré de ses Contemplations dans l’ombre du dolmen de Rethel, jusqu’à Mallarmé sondant la noirceur sublimée du Tombeau d’Edgar Poe (« Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur »), le monolithe est le lieu d’une condensation paradoxale, où l’hermétisme ouvre au champ de la transcendance. Enfermant un vide infini, point d’origine ou cénotaphe, il engage l’histoire et la représentation. Drainant tout un imaginaire, la « non-forme » du monolithe traverse ainsi le XXe siècle en questionnant l’architecture dans son rapport à la fondation, à l’espace et au temps. Force transformationnelle chez les Expressionnistes (Mendelsohn, R. Steiner...), il sera intériorisé en masse psychique chez Frederick Kiesler (Endless House, 1930-60). Signe d’une interrogation proprement topologique, il met en crise l’unité de la forme et revendique le champ d’une complexité face au fonctionnalisme triomphant.Des mégalithes de Stonehenge à 2001 : l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968) se tient donc l’antéforme du monolithe, entre archaïsme et espace critique.

 


Une exposition FRAC-Centre
Monolithes ou l'architecture en suspens